Mia Kirshner a écrit une lettre ouverte qui a été publiée dans le quotidien «The Globe and Mail» au sujet de l'affaire Weinstein dont elle aussi fut victime, superbement écrite comme à son habitude !
texte original en anglais
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Traduction en français signée Winter :
Mia Kirshner est une actrice, écrivain et activiste sociale canadienne.
Je pourrais perdre cet espace précieux sur Harvey Weinstein en décrivant ma propre épreuve avec lui. Une épreuve dans une chambre d'hôtel où il a essayé de me traiter comme un bien qui pourrait être acheté avec la promesse de travail en échange de son orifice jetable.
Mais je ne donne pas à cet homme, une figure de proue couronnée de l'abus sexuel, le privilège de plus d'encre. Il y a des problèmes plus vastes et plus urgents à résoudre. Et si nous ne les abordons pas maintenant, je crains que lorsque les gros titres sur Harvey Weinstein disparaîtront, ce qui restera est une maladie dans ma propre industrie.
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La maladie est le fait de fermer les yeux sur le harcèlement sexuel et l'abus commis par ceux qui exercent le pouvoir dans l'industrie cinématographique. La peur de parler est devenue maligne, faisant taire la majorité de la communauté. Dans mon cas, j'ai été encouragée par d'anciens gestionnaires et agents à oublier ce qui m'est arrivé. Les gens dans la position de M. Weinstein ont le pouvoir de faire ou de briser des carrières, de mettre sur liste noire quelqu'un qui proteste contre leurs avances. À mon tour, mes propres représentants à l'époque n'ont rien fait. Leur silence parlait de puissance et de peur au sein de l'industrie cinématographique. Et j'étais trop calme moi-même. Tout ce que j'ai fait était de dire à mes camarades ce qui m'est arrivé et de les mettre en garde contre cet homme dangereux. À mon tour, mes deux syndicats, soit la Screen Actors 'Guild (SAG) et l'Alliance des artistes canadiens du cinéma, de la télévision et de la radio (ACTRA), ont offert une protection inadéquate si j'avais déposé une plainte.
Dans un climat d'affaires comme celui-ci, quel est le recours d'un acteur en cas de harcèlement ou d'abus sexuel ? Très peu. Cela va au coeur de pourquoi tant d'acteurs sont probablement restés silencieux.
Pour l'instant, il est prudent de parler contre Harvey Weinstein parce que les poids lourds de l'industrie se rallient derrière les victimes présumées et expriment leur indignation devant les révélations du New York Times et du New Yorker qui ont brisé cette histoire. Mais qu'en est-il de tous les autres prédateurs sexuels de mon industrie qui sont toujours protégés par le silence de leurs pairs ?
Il y a peu de réconfort dans le fait de rencontrer le silence. Il y a de la honte, de la rage et de l'isolement. Si un acteur renie le système en s'exprimant, la crainte de voir sa carrière détruite est réelle - surtout si vous n'êtes pas encore bien implanté dans l'industrie. Les acteurs peuvent craindre que parler puisse leur coûter leur capacité à payer des factures et à soutenir leur famille.
C'est pourquoi, en dépit de la vague actuelle, il n'est toujours pas sûr de parler contre le harcèlement sexuel et les abus dans l'industrie cinématographique à partir d'aujourd'hui. Le SAG et l'ACTRA n'ont pas de politiques et de procédures holistiques si leurs membres déposent des plaintes. Cela doit changer maintenant. Et le changement ne signifie pas la publication d'une autre brochure bien intentionnée ou d'un message électronique sur les politiques anti-harcèlement. Les déclarations promettant un soutien aux victimes de harcèlement sexuel et d'agression ne vont pas le réduire.
Alors, comment les syndicats peuvent-ils soutenir leurs membres de façon plus significative et tangible ?
Tout d'abord, pouvons-nous accepter qu'il n'y ait plus de réunions pour tout ce qui a trait au travail dans les chambres d'hôtel ? Ce serait aux syndicats d'appliquer fermement.
Deuxièmement, les syndicats ont besoin d'un nouveau système pour enquêter sur les allégations d'actes répréhensibles.
À l'heure actuelle, si un membre du GSC dépose une plainte, le syndicat rédige une lettre et demande à la maison de production ou au studio concerné de mener une enquête interne sur les allégations d'abus. Vous pouvez imaginer son efficacité. Une enquête interne par la nature même d'être à l'interne ne cultive pas l'impartialité. Surtout quand la personne à l'étude court ou possède le studio. Les plaintes concernant ces questions qui sont soulevées au sein de nos syndicats devraient déclencher une enquête indépendante par un tiers.
Troisièmement, que font les syndicats pour protéger un membre s'ils sont sur la liste noire de l'auteur présumé après avoir parlé ? Encore une fois, très peu. L'ACTRA, par exemple, n'a pas de système ou de base de données qui surveille les occasions de travail manquées de ceux qui ont déposé une plainte. Si un acteur n'est jamais embauché à nouveau par l'auteur présumé, quelles sont les sanctions imposées par le syndicat ? Si un membre de l'industrie a tendance à mettre sur liste noire une personne qui a déposé une plainte contre lui, que fera le syndicat ? Va-t-il continuer à permettre au membre de travailler avec d'autres membres du syndicat ? Tout effort visant à mettre en liste noire un acteur qui refuse les avances sexuelles (par un producteur, un réalisateur, etc.) devrait avoir des conséquences réelles pour le contrevenant. Mais encore une fois, comment les syndicats peuvent-ils produire des preuves de la mise sur liste noire s'il n'y a pas de surveillance ?
Et trouver un soutien psychologique gratuit est extrêmement difficile, surtout avec l'explosion des listes d'attente. Le nombre de personnes sans soins mentaux est énorme, affectant finalement tous les domaines de la vie.
Alors quoi maintenant ?
Mon industrie, remplie de talents vitaux, partage mon désir de refondre le système actuel. En tant que fière Canadienne, j'aimerais que mon syndicat, l'ACTRA, crée l'étalon-or pour la façon dont les plaintes de harcèlement et d'abus sexuels sont traitées en milieu de travail. Ça peut le faire. Des personnes dévouées et intelligentes travaillent au sein de cette union. Nous avons besoin que les syndicats soient puissants pour créer de nouvelles politiques et procédures radicales, ce qui empêchera les membres de travailler avec des prédateurs sexuels éprouvés.
Ce faisant, j'espère que les syndicats ne travailleront pas isolément, mais de concert avec tous les syndicats et les principaux intervenants de l'industrie, en s'exprimant d'une seule voix.
Au-delà des acteurs de l'industrie cinématographique, les législateurs doivent agir. Des lois et des peines plus strictes sont nécessaires pour lutter contre l'irrégularité sexuelle.
Ce ne sera pas facile, mais nous ne pouvons pas revenir au statu quo. Nous en avons eu assez.
Parler est puissant et cathartique, mais il ne changera pas le statu quo.
Ne nous donnez pas une autre brochure ou une hotline pour appeler. Veuillez ne pas publier une déclaration sur la façon dont le syndicat soutient le sien. Ce n'est pas assez. Protégez nous. Changez ce système inefficace.
Les hommes et les femmes doivent regarder au sein de leurs propres cultures de travail et exiger des changements immédiats. Et si nous ne le faisons pas, nous sommes tous complices de notre silence et de notre indifférence. Et si cela se produit, la maladie continuera à se propager.
